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Chapellerie

L’Histoire. Source: “Quillan le Livre du Souvenir” De Tatiana Kletzky Pradère.

Née à Bugarach sous Napoléon 1er en ateliers familiaux traitant le poil de lapin d’abord, la laine ensuite, les techniques de fabrication ayant été apportées au village par des habitants qui séjournèrent en Pologne comme prisonniers de guerre employés dans des chapelleries, l’industrie chapelière prit une telle ampleur que, vers 1840 les chapeliers de Bugarach durent émigrer à Espéraza et à Quillan, la situation au bord de l’Aude étant favorable au lavage des laines, la main-d’œuvre locale abondante et la communication aisée.

 

Mais c’est la construction de la voie ferrée en 1878 et l’électrification de la région qui permirent un développement rapide et considérable de l’industrie chapelière, par l’afflux des capitaux, l’importation des laines étrangères et l’expédition des chapeaux dans le monde entier. La Haute-Vallée de l’Aude, et principalement Espéraza n’allaient pas tarder à détenir le quasi monopole mondial du chapeau souple en feutre de laine.

 

Les peaux de lapin étaient achetées dans les campagnes par les chiffonniers, principalement en Auvergne où s’étaient créés de nombreux élevages dans les fermes. Des hommes gagnaient leur vie en chassant le lièvre et le lapin de garenne pour alimenter en peaux l’industrie chapelière. Ces peaux là étaient utilisées après dégalage, c’est-à-dire nettoyage du sang coagulé. Autrefois, les chapeliers détachaient à la main le poil de la peau de lapin au moyen d’un couteau court en forme de ciseaux à tranchant oblique. Une femme mettait une semaine pour couper le poil de 200 peaux. L’intervention de machines perfectionnées permit à certaines usines de traiter jusqu’à 500 peaux par jour.

 

En 1900, la fabrication du chapeau de feutre souple était loin d’être intéressante, le port de tels chapeaux étant destinés seulement à une clientèle campagnarde réclamant un article classique à un prix peu élevé.

 

Vers 1908, le jeune M. Lasserre, de la petite usine Huillet et Lasserre, jusque là cantonnée dans la fabrication de la cloche, conçut le projet grandiose d’attirer l’attention du grand public sur ce genre de coiffure légère afin de tenter la grosse production. Pour cela, au prix de mille difficultés, il transforma mécaniquement son outillage, réforma les anciennes méthodes, se mit à produire de plus en plus, encouragé par les vastes perspectives réservées par la mode aux chapeaux souples, jusqu’à atteindre le chiffre, énorme pour l’époque, de 150 douzaines de chapeaux mérinos par jour.

 

Par sa réussite il assura la prospérité de toute la région. En peu de temps, tout le monde chapelier s’intéressa à sa nouvelle fabrication, et son succès ne fit que s’affirmer jusqu’à la veille de la guerre de 1914/1918 où, brusquement la chance tourna.

 

Monsieur Lasserre, quoique fatigué et malade, fut mobilisé. Lorsqu’il revint enfin, en 1917, ce fut pour assister, impuissant, à une terrible crue de l’Aude, qui déversait des tonnes d’eau sur le beau matériel de l’usine, noyait le dépôt de charbon, détruisait le stock de laines, réduisait à néant le travail de tant d’ouvriers, immobilisant par le manque de combustibles les quelques machines épargnées.

 

Il se murmure que nul ne lui tendit une main secourable. Mais il se releva, fit retirer des eaux à grand-peine 200 000 cloches qui purent être rappropriées. Quand l’usine se remit enfin en marche, épuisé, il dut faire appel à un directeur qu’il choisit à son image, en la personne de Jean Bourrel, fils d’un chapelier d’Espéraza, des Ets Bourrel Frères.

 

Courageusement, Monsieur Bourrel se mit au travail. A partir d’un matériel lamentable, il entreprit de tout réorganiser, faisant resurgir peu- à-peu l’usine du désastre. Ce fut lui qui paracheva la gigantesque œuvre commencée en 1908 par Monsieur Lasserre. Si bien qu’à la mort de ce dernier en 1922, Monsieur Bourrel, devenu tout naturellement le nouveau propriétaire de l’usine, entrait tout droit dans la légende.

 

S’entourant de bons collaborateurs, depuis le niveau le plus bas jusqu’aux cadres, il sut gagner la confiance, l’estime et le dévouement de tous. Il apporta de grosses améliorations aux anciens bâtiments, en fit construire deux nouveaux, fit de son usine la plus outillée, la mieux agencée de toutes les usines mérinos de France. Avec mille kilos de laines travaillées journellement et 4000 chapeaux garnis prêts à être expédiés, en plus d’une grosse quantité de cloches vendues séparément, on était bien loin des 150 douzaines quotidiennes de Monsieur Lasserre.

 

Tous les chapeaux de laine mérinos souples de la marque THIBET portés dans le monde provenaient exclusivement des Usines Jean Bourrel à Quillan.….