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LE PROJET D’USINE ÉLECTRIQUE

Le projet de création d’une usine à gaz n’ayant pu être réalisé, la ville est toujours éclairée par 41 lanternes fonctionnant au pétrole. La ville s’étant progressivement étendue, ce mode d’éclairage est insuffisant et il est impératif pour la municipalité de trouver une nouvelle solution. Le maire met donc en place une commission chargée de rechercher le système d’éclairage le plus pertinent. La ville d’Ax-les-Thermes disposant déjà de ce type d’éclairage, la commission se déplace dans l’Ariège afin d’examiner les installations et de juger des avantages de ce mode d’éclairage. Après diverses études et réflexions, c’est l’éclairage à l’électricité qui semble faire l’unanimité.

C’est l’ingénieur des Ponts et Chaussées supervisant la construction de la voie ferrée Quillan Rivesaltes, Joachim Estrade (1857-1936), qui se voit charger d’étudier le projet d’électrification de la ville de Quillan. Il remet son rapport à la municipalité le 20 juillet 1889.

Alors que deux jours auparavant le tribunal de Limoux vient de priver la commune d’une partie de ses ressources, c’est le 26 juillet 1889 que le conseil municipal décide la création d’une usine électrique. Après avoir exposé les inconvénients du pétrole et du gaz, le maire vante les mérites de l’électricité qu’il est facile de produire à Quillan !

Le projet d’usine électrique comprend, outre l’acquisition d’une usine produisant une force motrice de 40 chevaux, l’achat d’un moteur et la réalisation de l’installation électrique. D’après les calculs, l’usine pourrait alimenter 300 lampes de 16 bougies dont 67 pour l’éclairage public, et ce avec un pouvoir éclairant deux fois et demi supérieur à l’éclairage au pétrole. Sur les 300 lampes prévues, 100 sont déjà réservées aux abonnements souscrits par anticipation, les autres étant destinées aux particuliers futurs abonnés.

En août 1889, la commune projette d’acheter la scierie Espezel-Labourmène, située sur le chemin de Marides, en vue de la transformer en usine électrique. Après avoir subi quelques modifications, le projet d’éclairage électrique est accepté par arrêté préfectoral du 14 octobre 1890, en même temps que l’acquisition de l’usine Espezel-Labourmène. L’usine est achetée par la ville au prix de 16000 francs.

Dès le 26 octobre, les affiches annonçant l’adjudication de l’éclairage électrique fleurissent en ville. L’adjudication des trois lots constituant le projet est prévue pour le dimanche 16 novembre 1890. La construction de la centrale est confiée à Théodore Bouchou, maçon de Quillan, pour un montant de 3283,80 francs. L’ingénieur des arts et manufactures Joseph Roger, de Carcassonne, fournira la turbine de 40 chevaux pour la somme de 5 400 francs tandis que l’appareillage électrique sera fourni par la Société alsacienne de Belfort pour 15 785,80 francs. Pour faire face à ces dépenses, la commune se voit dans l’obligation de contracter un emprunt de 43000 francs.

QUILLAN PREMIÈRE VILLE DU DÉPARTEMENT DE L’AUDE ALIMENTÉE À L’ÉLECTRICITÉ

Suite à de nouvelles élections municipales reconduisant les mêmes élus, un nouveau maire est désigné en la personne d’Honoré Munier, ancien fabricant de chapeaux devenu marchand drapier. Entré en fonction le 14 décembre 1890, le maire de Quillan sera réélu en mai 1892, année où il devient conseiller général en remplacement de Romain Chiffre. Démissionnaire de ses fonctions de maire en 1896, il restera conseiller général jusqu’en 1897.968

Alors que la région de Quillan s’illustre par l’organisation de l’industrie chapelière en ateliers, la ville va le faire à son tour, le 28 juin 1891, en devenant la première du département de l’Aude à être éclairée à l’électricité. Depuis cette date, Quillan exploite en régie la production et la distribution de l’électricité. Le premier règlement de l’abonnement à l’éclairage public sera publié la 6 janvier 1892.

 Le dimanche 28 juin 1891 restera à jamais pour Quillan un des évènements les plus mémorables de son histoire. De nombreux visiteurs venus de tout le département sont.

attendus à Quillan. A cet effet, les 27 et 28 juin, la Compagnie du Midi qui exploite la ligne de chemin de fer Carcassonne-Quillan propose des billets aller-retour à tarif réduit.

Dès le samedi, alors que la ville est pavoisée et décorée de fleurs et d’arcs de triomphe, la fête est annoncée à midi par des salves d’artillerie.

Le grand jour arrivé, les trains du matin acheminent les premiers curieux. Dès neuf heures, des excursions sont organisées à la Pierre Lys et aux Bains de Ginoles. A dix heures, les pauvres bénéficient d’une distribution de bienfaisance comme il est d’usage à l’occasion des fêtes et des grands évènements.

 Sur le coup de 11 heures, ce sont près de 3 000 personnes qui vont accueillir les autorités à la gare de Quillan accompagnées par la Lyre Quillanaise et la musique de Saint Paul de Fenouillet. Les autorités sont reçues au son de la Marseillaise. Parmi celles-ci, on note la présence du préfet de l’Aude (Monsieur Beverino-Vico), du sous-préfet de Limoux (Monsieur Chapron), du député d’arrondissement (Monsieur Dujardin-Beaumetz) et du conseiller général du canton (Monsieur Chiffre). C’est dans la liesse générale qu’un cortège formé par la foule et les invités effectue un tour de ville avant de se rendre au banquet offert aux autorités.

Au dessert, le préfet porte un toast, le maire remercie les invités et rend hommage à l’action de son adjoint Paulin Nicoleau. Le conseiller général du canton souhaite l’union et la prospérité au parti républicain tandis que le député termine son discours par ces mots : « Je bois à vous tous, citoyens de Quillan, à vos familles, à votre prospérité ; je bois à votre canton dont la devise est toujours : « En avant, pour le droit, la Patrie, la République et la Liberté ».

 L’après-midi sont organisés différents jeux, des courses vélocipédiques, des courses d’ânes et des concerts sur les principales places de la ville. C’est l’avenue de la gare qui accueille le plus grand nombre de spectateurs venus assister à différentes compétitions sportives régionales. La course de vélocipèdes et la course d’honneur voient le triomphe de Fortanier tandis que la course mixte de vélocipèdes et de tricycles est gagnée par Raynaud. Après cette journée de fête, il faut impérativement attendre la tombée de la nuit pour profiter pleinement de l’évènement pour lequel tant de curieux ont fait le déplacement.

 La nuit venue, c’est Monsieur Estrade qui a la charge de procéder à la mise sous tension des installations électriques. Les musiciens se sont tus et sont prêts à entonner la Marseillaise au signal de l’illumination. Monsieur Estrade ouvre les vannes, commande le couplage de la turbine puis « enclenche » sur le réseau.

Dans la précipitation, les premières notes de l’hymne national retentissent mais, au grand désarroi de la population et des élus, aucune lueur n’apparaît… Après quelques interminables secondes, la lumière jaillit permettant ainsi à la fête de reprendre son cours.

Cet évènement fait à l’instant de Quillan la première ville du département de l’Aude éclairée par l’électricité. Il est 21 heures et les foyers lumineux éclairent la nuit de tous leurs éclats. Retraite aux flambeaux et grands bals vont animer la ville jusqu’à tard dans la nuit. 970 Dès lors, l’éclairage public de la ville de Quillan va fonctionner tous les jours de la tombée de la nuit jusqu’à minuit. Ce n’est que le 2 août suivant que le Conseil municipal vote 2 000 francs pour la fête de l’inauguration de l’éclairage électrique ! Le préfet approuve ce vote le 20 août, soit près de deux mois après la cérémonie officielle.971

Source: « Quillan, l’Histoire Populaire » Auteur André Marcel (En vente à l’Office de Tourisme de Quillan)