La rue de la Mairie
La rue de la Mairie

Quilhan.com

 

 

La rue de la Mairie

Par Vincent Albas

Nous allons parler aujourd’hui de souvenirs très anciens, comme le chante Charles Aznavour. « C’est une époque que les moins de « cinquante » ans ne peuvent pas connaître… », et pourtant !

De la place de la République, une voie s’ouvre vers l’hôtel de ville, c’est tout simplement la rue de la mairie.

Suivons-la du côté droit à partir de l’angle de la pharmacie Rey-Dussert devenue plus tard Gaston Prévost où l’on fabriquait encore des « poutingues ». La maison mitoyenne de la pharmacie appartenait à la famille Courtade, également propriétaire de l’île, qu’il léga à sa fille Germaine épouse de Hérédia, célèbre organiste.

À côté, Antoine Maury et son épouse distribuaient du lait frais qu’ils recevaient de je ne sais où : des vaches du domaine de « l’Ange Gardien » ou de l’Espinet.

Une petite rue traversière, la rue Corneille, fait communiquer la rue de la mairie et la Grand’rue.

Juste après, en angle c’était la maison « Balès, Vêtements sur mesure et confection ».Très longtemps on a pu voir assis dans la position des professionnels le père et le fils bâtir un veston ou ajuster la ceinture d’un pantalon. La boulangerie Audié à remplacé depuis plusieurs année déjà l’atelier des tailleurs.

Et nous retrouvons la famille Maury : Monsieur travaillait dans le bâtiment et Madame nous faisait savourer son excellente charcuterie .

J’ai gardé des « Docks Méridionaux » gérés par les Vordy, le souvenir des longues files d’attente des clients qui essayaient de trouver des denrées alimentaires contingentées pendant les sinistres années de la dernière guerre. J’entends encore la réponse sans appel de la mère Vordy : « C’est fini il, n’y en a plus ! ».

La maison Goize communiquait avec la Grand’rue comme aussi celle des Capela marchands de chaussures qui bénéficiait de deux vitrines : une rue de la mairie, l’autre Grand’rue.

Face à la mairie, une famille de vieux Espagnols, les Barbano, avait ouvert une épicerie. Je me souviens avoir vu passer rue de la Rhode, le maître des lieux, Amado ; il faisait des tournées dans les quartiers éloignés avec un petit cheval attelé à une « jardinière ».

Nous arrivons à la boucherie Boyer ; devenue veuve Mme Boyer céda son commerce à la famille Escur qui émigra plus tard Grand’rue.

Quelques maisons louées, Ferrand, Bousquet, Marty et d’autres dont j’ai oublié le nom… puis voici les marchands de tissu Courtade, leur immeuble communiquait avec la Grand’rue où s’ouvrait la vitrine de leur magasin.

Il en était ainsi de la pâtisserie Erminy, devanture Grand’rue, mais laboratoire rue de la mairie. Félix Erminy était une figure emblématique de Quillan. Pâtissier émérite il attirait de nombreux clients, musicien et comique à ses heures, c’était aussi un excellent joueur de rugby.

L’angle de la rue de la mairie et de la petite rue traversière, la rue Molière, jusqu’à la Grand’rue, c’était la maison de la famille Escudié « armes et cycles », magasin Grand’rue bien sûr.

On trouvait ensuite la demeure de quelques vieux Quillanais et aussitôt après, les chais et caves à vin des Crussol et Jammet, qui jouxtaient la rue de la Paix.

Reprenons donc notre rue en sens inverse en direction de la place de la République.

Nous commençons par la belle demeure des Bonnel, notaires de père en fils. Retraités, ils résident toujours à Quillan. L’étude a, depuis, été transférée dans la Grand’rue.

Une autre épicerie Barbano, survivait grâce aux nombreux Espagnols émigrés qui ne pratiquaient pas très bien le français et trouvaient là à qui parler.

Tout à côté, les Miquel, commerçants grossistes ont rendu bien des services aux Quillanais durant les années noires de la guerre.

Accolées les unes aux autres quelques maisons faisaient suite (j’ai aujourd’hui oublié les noms des propriétaires ou locataires).

La grange des Boyer fut, pour autant que je m’en souvienne, le théâtre d’un grave accident.

Nous voici devant la boulangerie Durand devenue plus tard Lacroix. La maison a été achetée par la municipalité car elle était mitoyenne de la mairie. L’ensemble est devenu l’Hôtel de Ville, superbe bâtiment qui avait déjà été aménagé dans un ancien hôtel particulier du XVIIe siècle (Hôtel d’Espezel). Il évoque pour moi bien des souvenirs de famille : c’est là que mon père vint déclarer mon arrivée au monde en 1923, que je me suis marié en 1948 et que j’ai déclaré à mon tour la naissance de mon fils en 1951.

Cet immeuble a gardé sa façade d’origine, et subi plusieurs transformations internes. Au rez de chaussée, fut installée la première école maternelle. Elle s’ouvrait sur une petite cour murée. Bien plus tard, transformée en appartement, elle servit de logement à Antoine Baux, descendu de son Marsa natal. Il était appariteur et, son clairon aidant, il parcourait les rues de la ville en criant des annonces oh combien diversifiées. Il était aussi chargé de fermer et d’ouvrir les portes de l’abattoir.

La petite cour devint un jardinet toujours hautement clôturé, puis, après la démolition de la clôture, le parking de nos édiles municipaux. Louis Bergeron (agent de ville et appariteur) et sa famille succédèrent aux Baux. Les bureaux municipaux occupaient le premier étage.

Passée la petite place de la mairie, un grand immeuble appartenait à un menuisier des Ets Jean Bourrel.

Nous arrivons chez Latour (librairie, papeterie, couronnes mortuaires, etc.). C’est là que nous achetions les plumes gauloises ou sergent major, l’encre violette ou noire selon l’humeur de nos instituteurs. Je me souviens des couronnes mortuaires dont le décor floral était en perles de verre à dominance violet et blanc qui pendaient du plafond. Cette boutique changea de nom et devint Capela mais ne subit pour autant aucune modification notable.

L’horlogerie-bijouterie Dandine, devenue plus tard Régnier, réparait nos montres et pendules.

Chez Gayda, c’était le domaine d’un pauvre homme le vieux Rouyre. Comme la plupart des maisons de Quillan, la sienne ne possédait aucun sanitaire. La nuit venue, il allait satisfaire ses besoins naturels au Pont vieux où se trouvaient les toilettes de la ville.

Madame Merou et ses filles « tissus et passementeries » faisaient le bonheur de toute la gent féminine de Quillan et des alentours.

Et nous voilà parvenus à l’angle de la rue de la mairie et de celle de l’église chez Louis Aragou, boucher, le père de notre Maire.

Tous les souvenirs que j’évoque me sont personnels. Je ne suis pas un historien, donc, que le ciel me pardonne quelques oublis. Ni mes enfants, ni mes petits enfants ne m’en tiendront rigueur.

 

Vincent Albas

 

Rue de la Mairie Quillan
Rue de la Mairie. Quillan