Rue Anatole France
Rue Anatole France
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La rue Anatole France

Par Jean Sylvestre

Cette rue suit le cours initial du ruisseau « Le Coulent ». Cet affluent de l’Aude a vu son cours modifié dès le XIIIe siècle pour permettre la construction de la « muraille » qui protégeait le bourg au nord et à l’ouest.
Un grand bâtiment dont la construction daterait de la fin du XVIIe siècle, bordait cette rue.
Aucun vestige n’a été conservé de cette vénérable bâtisse. Elle avait été construite par les Dominicains sur les ruines de l’ancien couvent des Augustins. Un portail au fronton de forme triangulaire portait l’inscription « Charité » et s’ouvrait face la rue Droite.

Les Dominicains se maintinrent dans ces lieux jusqu’en 1790.
Un hôpital-hospice fut rouvert en 1793 : les médecins Arcens et Cauneille, les pharmaciens Deville et Francezon furent réquisitionnés.
Cet hôpital resta en activité durant les guerres napoléoniennes. Cette rue se nomma donc longtemps : rue de l’Hôpital.

 

Après l’incendie de la Maison Nationale (place de la République), les services municipaux occupèrent une partie de ces locaux. Ils s’y installèrent définitivement à la fin de l’Empire. Des réparations s’avéraient nécessaires pour rendre habitable cette maison commune ; elles furent votées en 1827 par le conseil municipal présidé par la maire Louis Roillet. Elles furent destinées à la réfection des parquets et au blanchiment des murs.

En 1851, le maire, Théodard Canavy, dans un exposé, explique l’impossibilité de rendre la mairie propre et convenable et propose d’acheter un vaste immeuble en plein centre ville, où il sera possible, à moindre frais, d’installer les services municipaux, la salle de classe et le logement de l’instituteur. Le prix de cet immeuble qui appartient au sieur Poulhariès est de 12 000 francs. La proposition du maire est acceptée. Une partie du vieil immeuble de l’ancienne mairie fut mise à la vente. L’aile située à l’ouest fut divisée en deux partie mitoyennes ; dans les années 1920 la famille Lestendie occupait la partie qui faisait angle avec la place Paulin Nicoleau, la famille Bousquet tenait la boulangerie dont la devanture s’ouvrait sur l’actuelle rue Anatole France.

Déjà en 1883, les vieux immeubles qui rétrécissaient, sur le boulevard, l’entrée de la rue de l’ancienne Mairie avaient été achetés puis démolis. Il s’agissait d’établir la chaussée.
C’est sans doute à cette époque que le nom « ancienne Mairie » fut définitivement adopté. La rue demeura ainsi nommée jusqu’à la fin des années 1920.
La municipalité « radical-socialiste », parti anticlérical et qui avait largement contribué à faire voter les lois laïques de 1905, voulut honorer Anatole France qui s’était éteint le 12 octobre 1924. Il était considéré comme le plus grand auteur français du XXe siècle pour la majesté et l’élégance de son style, mais aussi son anticléricalisme qu’il afficha lors de l’affaire Dreyfus à côté de Zola. Élu à l’Académie Française en 1896, il avait reçu le prix Nobel de Littérature en 1921.
La rue de l’ancienne Mairie devint la rue Anatole France.
Elle le demeura jusqu’au 13 mai 1941. En effet, la municipalité mise en place le 1er mars 1941 par le préfet de l’Aude, aux ordres de Vichy, décide dans sa séance du 13 mars 1941 de changer le nom des rues :

La rue Anatole France s’appellera rue de l’Ancienne Mairie ;
La rue de l’Église s’appellera rue Notre Dame ;
La place de la République s’appellera place Nationale.

 

Déjà, le 7 mars 1941, le boulevard des Écoles et le boulevard Jean Jaurès ne formèrent plus qu’une seule avenue appelée : boulevard du Maréchal Pétain.
Anatole France ne représentait plus les idées du moment. Le maréchal Pétain et le gouvernement de Vichy prônaient le retour aux valeurs religieuses et à un certain antisémitisme. Anatole France n’avait plus droit de cité. La rue reprit son ancien nom : « rue de l’ancienne Mairie ».

Après l’armistice de 1945, elle redevint, juste retour des choses, la rue Anatole France. « La rue de l’Église » et « la place de la République » retrouvèrent leur ancienne appellation.
Après l’armistice, dès 1945, ces rues et la place retrouvèrent leur nom perdu.
Dans une séance du Conseil Municipal du 30 avril 1947, nous retrouvons les propositions de M. Cosialès puis de M. Baudru quant à la réparation de la rue Anatole France.

 

L’importance de cette rue au début du XXe siècle

 

Ouverte sur le boulevard, cette rue va profiter de la construction de la voie ferrée Carcassonne-Quillan, mise en service le 1er juillet 1878, puis celle de Quillan-Rivesaltes en 1903, de l’installation de la poste sur la place de la République en 1904 et de l’ouverture de l’école des filles sur le boulevard. Cette rue devient alors une artère vitale de la ville.
J’avais 4 ans lorsque mes parents sont venus habiter au numéro 12. Cette rue m’était donc très familière car c’est là que j’ai vécu mon enfance et mon adolescence. C’était une rue très passante et animée par de nombreux commerces.

 

Au départ de la place de la République, et côté droit,

 

se trouvait la quincaillerie dont la fille Mme Soubreby était une excellente brodeuse, puis les maisons d’Élie Chaubet et d’Olive-Seyès dont le mur en galets de rivière était arrondi (sans doute construit au bord du Coulent) et celle de Baruteau, mitoyenne de celle d’Alphonse Millet (maçon) et de son épouse Jeanne. Ces maisons ont été détruites dans les années 1980 et remplacées par la nouvelle perception et des logements sociaux.

Nous arrivons au croisement de la rue du Pays de Sault, aujourd’hui « rue Félix Erminy ». L’immeuble suivant appartenait à la famille Cauneille : leur maison d’habitation s’ouvrait sur cette rue et leur magasin de chaussures sur la rue Droite (la rue Félix Armand). Plus tard leur fils, Jean Cauneille, en fit la crémerie « La maison du fromage ». L’ensemble a été démoli pour élargir la rue.

Passée la rue Droite, rebaptisée Félix Armand, et à l’angle, habitait la famille Olive dont les deux fils Jean et Maurice ouvrirent chacun une usine de fabrication de meubles. Mes parents avaient acquis la maison mitoyenne où j’ai vécu mon enfance et mon adolescence. C’est là que ma mère dirigea un atelier de couture jusqu’en 1928. J’ai occupé plus tard cette maison avec mon épouse et mes deux enfants pendant plus de dix ans.

Après « la rue du Berger », on trouvait Marie Pradiès, sage-femme diplômée. Cette maison fut ensuite louée par la famille Bonnaure. Elle fut achetée plus tard par M. et Mme René Galy.

Dans l’immeuble suivant vivaient Maria et Antoine Garas, les propriétaires, et la famille Bénassis qui devait plus tard acheter cette maison.
L’épicerie « Marie Miquel » fut remplacée ensuite par le salon de coiffure pour homme Antoine Jordy. Le propriétaire Clovis Saurel logeait au premier étage.
Venaient ensuite les Daniel dont la maison reste abandonnée depuis le décès de leur fils Auguste.
Nous passons l’impasse Marcou pour trouver le ferblantier Louis Chanaud à qui ont succédé son fils et son petit-fils Michel, devenus plombiers.

Partons toujours de la place de la République, mais côté gauche.

La maison de la famille Artigue et plus tard Fratacci touchait la boucherie Rivière « Ginolette », devenue ensuite la boucherie René Galy. L’échoppe du sabotier Vidal faisait angle avec la petite rue Racine et face à la maison des Tailhan où ont longtemps habité les Mestre ; après eux, la famille Tisseyre, dit « Laprestur », l’occupa. Marie-Louise Saunière, la rempailleuse de chaise faisait tremper ses fagots de « bose » dans le petit ruisseau qui coulait toujours de part et d’autre de cette rue.

On trouvait ensuite l’épicerie Fouchac, tenue plus tard par les Rieux, et deux maisons dont celle de Marinette Calmet, épouse Rouan, qui eut deux fils dont l’un, Jean, fut international à XV. La rue était alors coupée par la rue Joseph Erminy. Depuis la démolition de l’immeuble dit de l’Ancienne Mairie, elle s’ouvre sur la place Paulin Nicoleau. La boulangerie Bousquet occupait la partie ouest de cet édifice et donnait aussi sur la rue du Berger qui menait alors à cette place. Ce magasin fut tenu tour à tour par Henri et Noélie Millès puis par Édouard et Marguerite Brualla et enfin par Élie et Marcelle Aveilha.

Passée la rue du Berger, se trouvait la maison de Prospérine, la repasseuse. C’est là que s’installèrent plus tard M. et Mme Massette qui ouvrirent une épicerie « Fruits et Légumes ». Les Rolland leur succédèrent ensuite.

Leurs voisins étaient les Courtade (Hyppolite et sa femme Julie) ; ils avaient un magasin de chaussures. Ils vendaient aussi des plants de légumes et les produits de leur potager. Ils allaient même les proposer dans le pays de Sault avec leur carriole bâchée tirée par un cheval ; l’écurie se trouvait derrière la maison dans une cour dont l’accès s’ouvrait sur la place Paulin Nicoleau. Leur fils Paul était « fontainier ». C’était aussi là qu’habitaient leurs petits-fils Pierrot Courtade et son frère Jean, créateur de « Quillan Information », le premier bulletin à rappeler le passé de Quillan.
Venait ensuite la remise des Soubreby avec l’écurie du mulet. Les Argence dits « Ratichots », anciens charcutiers, vivaient au rez de chaussée de la maison mitoyenne ; ils louaient les étages.
Enfin à l’angle de la rue donnant sur le boulevard Jean Bourrel, le café Bouchou réunissait tous les soirs les anciens de Quillan autour d’un « panaché ». Alors, les échos de leurs chansons (le temps des cerises, les blés d’or) égayaient tous le quartier car il était coutume pour les riverains de sortir les chaises et de prendre le frais devant la porte.

 

Hôpital de la Charité rue Anatole France Quillan

Hôpital de la Charité rue Anatole France

L’immeuble a été détruit dans les années 1990

Hôpital de la Charité rue Anatole France

Qui fut aussi couvent

Ici côté Place Paulin Nicoleau dite « Placette »